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Venezuela: derrière l'arme humanitaire

J’ai eu la chance, certains diront l’opportunité, de me rendre à plusieurs reprises au Venezuela au cours de ces derniers mois et beaucoup d’amis, proches ou lointains, vrais ou Fauxcebook me demandent souvent ce qu’il s’y passe vraiment, confrontés qu’ils sont, comme moi, aux multiples informations allant dans tous les sens.

Tout d’abord, pour son malheur semble-t-il plus que pour son bonheur, le pays regorge de ressources naturelles, non seulement le pétrole mais aussi de nombreux minéraux tous plus valorisés les uns que les autres. Dans la mire des prédateurs, les immenses ressources naturelles alimentent les tensions actuelles qui ne peuvent se lire que dans un contexte géopolitique plus global. Oui, il est clair que les Etats-Unis, plus exactement les entreprises privées américaines veulent s’emparer des ressources du pays comme s’en emparent aujourd’hui les russes et les chinois. Les européens ont leur bout de gras avec Total, Shell, BPI, Repsol, ENI et d’autres.

Mais alors, pourquoi les populations fuient-elles ce pays si riche ? Il y a semble-t-il une double raison à cela : d’une part la difficulté d’extraire ces richesses naturelles, le pétrole pour la compagnie nationale PDVSA à des coûts acceptables suite au manque d’investissements d’autant plus que le prix du pétrole a fortement chuté et d’autre part le niveau très élevé de corruption qui a pour conséquence un transfert des revenus dans les poches de particuliers et non de l’Etat qui, chaque jour plus pauvre, n’arrive plus à subvenir aux besoins élémentaires de sa population (Education, santé, alimentation, etc.). En gros, ça ne sert à rien d’avoir les pieds dans le pétrole si on n’arrive pas à l’extraire, d’autant plus que le peu qu’on extrait sert l’oligarchie au pouvoir. A la décharge du Venezuela, il est important de mentionner qu’une mauvaise gestion de l’économie et les sanctions des Etats-Unis contre le pays ont comprimé fortement l’économie, dépendante du marché américain, tant pour ses importations que pour ses exportations.

N’étant pas économiste, je ne me risquerai pas dans de grandes analyses sur la situation au quotidien, encore moins à des conjectures. Je me contenterai de dire que la situation est difficilement compréhensible. Le système économique au quotidien fonctionne avec des cartes de débit ; il n’y a pratiquement pas de papier monnaie en circulation. Pour un étranger qui débarque, jusqu’à il y a peu c’était très difficile d’acheter quoi que ce soit car même les cartes de crédit internationales n’étaient pas utilisées suite à l’écart abismal entre le taux de change officiel et celui du marché noir (de 10 à 1.000 bolivars pour un dollar). Suite, semble-t-il, aux sanctions économiques américaines et concrètement le blocage des avoirs vénézuéliens aux Etats-Unis, le taux de change officiel est dorénavant plus avantageux que le marché noir et les cartes de crédit internationales fonctionnent à nouveau, le gouvernement cherchant à tout prix à se procurer des devises. L’inflation est surréaliste, on parle d’une projection de plusieurs millions de % en 2109. Difficile de se représenter ce que cela peut bien signifier, sinon que les prix changent plusieurs fois par jour. Le salaire est équivalent à plus ou moins 6 dollars par mois. Mais l’électricité et l’essence sont gratuites alors qu’un kilo de viande peut coûter 4 dollars.

Beaucoup ont donc fuit le pays (on parle de 3 millions sur une population estimée de plus de 30 millions d’habitants) surtout ceux qui avaient un minimum de réserve, pour d’abord se payer un billet d’avion, ensuite de quoi s’installer come professionnel dans un pays d’accueil, Brésil pour les techniciens pétroliers, Chili, Pérou. Pour les moins fortunés, l’Equateur ou la Colombie. Et ceux qui ne peuvent pas partir, restent au pays, mourir, plus vite sans doute pour les vieux. Difficile de dire à quoi ressemblera la pyramide des âges dans quelques années…

Peu de chiffres exacts décrivent ce phénomène migratoire massif. Car il est complexe. Beaucoup de migrants espèrent revenir rapidement au pays et ne se déclarent pas comme migrants. Ceux qui passent par la Colombie bénéficient pour la plupart d’un statut particulier de transfrontalier. Les images des flux de foule traversant le pont frontalier entre le Venezuela et la Colombie sont bien présentes mais il est vrai aussi que peu de télévisions ont montré le courant inverse, à peu près identique, de Colombie vers le Venezuela. Car beaucoup de vénézuéliens passent la frontière soit pour aller retirer les quelques centaines de dollars qu’un membre de leur famille leur a envoyé d’Argentine, du Chili ou des Etats-Unis, et qui au Venezuela valent des millions, soit pour se faire soigner ou encore acheter des biens qu’ils ne trouvent pas chez eux. Le matin, ils passent donc le pont dans un sens et le repassent dans l’autre le soir. Parfois au-dessus, parfois en dessous, par les « trochas », ces sentiers de tous les périls, de tous les trafics, souvent rythmés par les tirs de bandes rivales.

S’il y a bien une image d’Epinal qui ne tient pas la route au Venezuela, c’est celle d’une population caribéenne gentille qui ne se révolte pas ! Bien sûr les vénézuéliens sont agréables, gentils, mais les statistiques ne trompent pas, les taux de criminalité et de violence sont parmi les plus élevés au monde. Petite liste non exhaustive : il y a tout d’abord l’armée, armée bien entendu, même si certains la disent peu performante, avec du matériel obsolète sans pièces de rechange, plutôt issu de marchés-contrepartie du pétrole que de véritables études de marché. Une garde nationale bolivarienne joue un rôle plus actif dans des tâches civiles et de contrôle des populations. Viennent ensuite les PRAN (Prisonniers Assassins Nés) leaders de bandes armées dans les prisons et qui se seraient vu confier par le pouvoir des tâches de maintien de l’ordre dans certains quartiers de la capitale ou de grandes villes du pays. La restructuration de l’armée du temps de Chavez a opéré un changement radical vers une milice légère en lieu et palace de la lourdeur mécanisée. Il se dit que de très nombreuses caches d’armes légères parsèment les parcs publics. La Police Nationale et surtout les FAES, les Forces Spéciales de la Police sont les plus redoutées pour leurs exactions permanentes envers les populations. Elles seraient responsables de plusieurs milliers d’exécutions extrajudiciaires. Il y a aussi la délinquance commune, une des plus importante d’Amérique latine. Les cartels de la drogue ont pris également du poids depuis les accords de paix entre les FARC et le gouvernement colombien, connectés aux plus hautes sphères militaires. L’armée Nationale de Libération de Colombie (ELN) est très présente sur le territoire vénézuélien qui lui sert de base arrière depuis que l’Equateur a changé de gouvernement. L’ELN est non seulement présente dans la zone frontière avec la Colombie mais également dans le Nord Est du pays. Plus discrets mais sans doute aussi dans la ligne de mire américaine, le Venezuela abrite les financiers du Hamas tandis que de nombreux groupes islamistes radicaux ayant fui la Syrie après la déroute militaire ont trouvé refuge dans le petit Etat voisin de Trinité et Tobago et peuvent constituer autant de cellules plus ou moins dormantes. Et puis n’oublions pas les cubains, difficilement repérables. Caribéens comme les vénézuéliens, ils occupent de nombreuses places stratégiques au sein de l’appareil d’Etat et encadrent les différentes forces armées vénézuéliennes. Autant dire que si un conflit armé devait éclater au Venezuela, ce merveilleux patchwork risquerait de mettre le pays à feu et à sang, un peu plus qu’il ne l’est déjà aujourd’hui par la violence indirecte que constitue le manque permanent de biens de première nécessité.

Alors faut-il prendre au sérieux les menaces de conflit armé au Venezuela ? Probablement. Car la politique dans la région n’est plus sous contrôle et on pourrait dire que les principaux leaders qui montrent les muscles sont tout sauf raisonnables. En gros, ils sont fous, que ce soit Maduro, Trump ou Bolsonaro…Donc oui, tout est possible.

Mais quelles sont les forces en présence, au sein du pays ? Il y a d’une part le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) qui contrôle tous les pouvoirs à l’exception de l’Assemblée Nationale contrôlée par l’opposition. Opposition très divisée, sans réelle consistance et dont les leaders les plus connus Leopoldo Lopez et Henrique Capriles sont écartés de toute possibilité de jouer un rôle politique effectif, le premier étant en résidence surveillée et le second inéligible suite à une décision de justice le condamnant pour corruption dans le cadre de l’énorme scandale de l’entreprise Oddebrecht qui touche de très nombreux pays latinoaméricains. Barré par l’Assemblée Nationale aux mains de l’opposition, Maduro a convoqué plus ou moins illégalement une Assemblée Constituante à laquelle l’opposition a refusé de participer. En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, la plus haute magistrature, le Tribunal Supérieur de Justice est contesté par l’Assemblée Nationale pour irrégularités dans la désignation de ses membres. L’Assemblée Nationale a donc désigné de nouveaux magistrats qui siègent à l’extérieur dans les locaux du Sénat colombien.

Tout récemment l’Assemblée Nationale a désigné un nouveau président, Juan Guiado, du parti Volonté Populaire. Son parti devait assumer cette présidence de l’Assemblée par un accord entre les partis de l’opposition. Quelques jours après son élection en tant que président de l’Assemblée Nationale, Juan Guaido, s’est autoproclamé Président de la république par intérim invoquant un article de la Constitution sur la vacance du pouvoir.

En résumé donc :

  • Deux Présidents de la République, l’un élu, l’autre autoproclamé intérimaire : Maduro et Guaido qui se contestent mutuellement leur légitimité.

  • Deux assemblées : une Nationale et une Constituante, la première contrôlée par l’opposition à Maduro, la seconde contrôlée par le pouvoir.

  • Deux pouvoirs judiciaires : le Tribunal Supérieur de Justice et le Tribunal Supérieur de Justice à l’extérieur.

Dans le reste du pays, la plupart des gouverneurs sont du côté du pouvoir de même que les municipalités.

La logique voudrait donc que ces deux blocs remettent en jeu leur pouvoir et mesurent leurs forces respectives par la voie des urnes.

Mais il est clair que ceux qui détiennent le pouvoir, Maduro et son entourage en tête, ne veulent pas le lâcher avant les échéances électorales. Guiado quant à lui, fait appel à la rue et montre sa force par la mobilisation populaire en jouant sur le mécontentement suite aux problèmes d’approvisionnement en biens de première nécessité, aliments, médicaments et autres… Ce qui est peut-être en train de basculer ces derniers jours, c’est que l’opposition à Maduro, jusqu’à présent crainte par de vastes secteurs populaires chavistes ou non, pour ses orientations droitières, pro-américaines, bourgeoises, se réunit avec pour seul objectif de faire tomber Maduro et les militaires et oublie ses sempiternelles divisions qui la rend jusqu’à aujourd’hui peu crédible. C’est le sens des contacts pris récemment par Guiado avec les chavistes d’opposition, les déçus de Maduro, les « vrais » révolutionnaires, ou simplement une gauche caviar version vénézuélienne sensée, qui s’était laissée séduire par les discours bolivariens, nationalistes, d’un romantisme révolutionnaire guévaro-castriste teinté de réalisme magique à la Garcia-Marquez du Comandante Hugo Chavez, charismatique s’il en est.

Guaido, qui se voit refuser le combat électoral, joue donc sur le mécontentement populaire en promettant les miracles de l’aide humanitaire, à nouveau confrontée à son cauchemar de n’être qu’une arme politique. Qui peut douter en effet un seul instant que les avions américains arrivés en Colombie et au Brésil, aux frontières avec le Venezuela, chargés d’aide humanitaire, ne soient là que pour servir de levier pour renverser Maduro, au mépris de toutes les conventions internationales validées par l’ensemble du système des Nations-Unies, et en principe signées par tous les Etats Membres ? Maduro a jusqu’à présent le monopole de la violence armée, Guaido s’efforce de se faire légitimer par l’ensemble des gouvernements de la planète. Et c’est bien là qu’il y a juste un petit hic : les russes et les chinois restent intraitables dans leur soutien à Maduro, aux côtés de quelques pays d’Amérique latine, eux-mêmes sur la sellette comme le Nicaragua, aux côtés d’une Europe divisée, toujours assise entre deux chaises.

Tout le monde s’en fout donc du peuple vénézuélien, comme d’hab. Un jour utilisé dans un sens, l’autre dans l’autre mais toujours payant l’addition, généralement mesurée au compteur de la grande faucheuse.

Dommage qu’on ne puisse installer un ring où les deux protagonistes pourraient se mesurer. Mais ce ne serait pas juste car même à ce niveau, ils ne jouent pas dans la même catégorie. Guaido ne ferait pas le poids face à la stature plutôt poids lourd de Maduro.

Que font les Nations-Unies ? Que fait l’Europe ? Y a-t-il encore des gens sensés pour obliger les belligérants à se mettre d’accord sur les mesures à prendre pour mesurer leurs forces respectives, de manière non-violente ? Convoquer des élections générales, à tous les niveaux, présidentiel, assemblée nationale, gouverneurs, municipalités… Avec une observation électorale selon les normes internationales, avec bien sûr un Conseil électoral renouvelé, paritaire opposition – pouvoir.

En se donnant le temps de l’organiser, le temps de faire entrer une aide humanitaire nécessaire, organisée par le système international et non pas la marionnette américaine qui ne trompe personne, hormis ceux qui en dépendent.

Y a-t-il encore des gens sensés et volontaires pour faire aboutir de telles propositions ?

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