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11 Décembre (suite)


Le lendemain, il faut bien se résoudre à partir, quitter le navire.


Je regarde de grands oiseaux blancs raser les flots. Quoi de plus libre que de voler ? Mais les oiseaux ne traversent pas les mers. Ou alors c’est qu’ils ont traînaillé dans le sillage d’un navire et qu’il était trop tard pour faire demi-tour. Alors ils restent à bord et se débrouillent. Jusqu’à l’arrivée, où des charognards les repèrent et les dévorent. On retrouve alors seulement quelques plumes et ossements sur un des ponts.


Les adieux sont touchants, avec tous. Avec certains, c’est fort, très fort. Comme avec le cuistot, que je croyais renfermé et qui, tout à coup, n’arrête pas de parler, de me dire qu’il peut faire de la bien meilleure cuisine mais que le commandant n’est pas quelqu’un de bon, il ne veut que la cuisine ukrainienne, celle qu’il lui a dit de faire, celle qui est dans les bouquins qu’il lui a donné, du bortsch à base de betteraves, des choux farcis, du hareng saure et tout et tout. Et puis il me parle de son pays, de son île, des plages de sable fin où je dois venir, où il m’invite, près de Manille, 5 heures de ferry seulement, quand il sera à la retraite, dans deux ans et alors là, il me fera à manger, tous les jours, ses meilleures recettes, avec les larmes aux yeux.


Noé, avec son nom prédestiné, toujours avec le sourire, qui me dit qu’il a été très touché par le mot que j’ai écrit pour tous, affiché dans les deux réfectoires.


Et puis les deux du « bridge », Léni et Vadim. On ne dit plus rien, parce qu’il n’y a plus rien à dire alors on se regarde, bêtement, sans rien dire, Léni au bord des larmes, Vadim et son sourire qui se mouille. Et moi qui peine à descendre la passerelle, parce qu’elle bouge, surtout parce qu’elle bouge, sans me retourner.


Je ne connaissais pas la mer, encore moins les gens de la mer. Je ne dis pas qu’aujourd’hui je les connais, non, jamais. Je sais, juste un peu, pour l’avoir vécu avec eux, leur travail, d’abord leur travail. Et c’est comme tous les boulots, des aspects chouettes et d’autres vraiment chiants. Ce sont de grands voyageurs. Ils peuvent faire plusieurs fois le tour du monde sans mettre le pied à terre, comme le cuistot, 9 mois et tous les jours quatre menus, deux pour les européens et deux pour les philippins, midi et soir.


Je peux imaginer qu’être de quart entre minuit et quatre heures du matin, en plein atlantique, sans aucun navire dans le système d’identification à surveiller, ça doit être endormant et que c’est la pression du « death man » qui maintient les yeux ouverts.


Je croyais qu’ils descendaient aussi plus souvent à terre, mais à part les deux heures à Philipsburg de Youri et Vadim, il n’y a que le commandant à être descendu une fois, à Cayenne. Il avait tout délégué pour avoir le temps, quelques heures à peine, pour aller chez le coiffeur, un coiffeur français ! Et aussi acheter quelques insectes qu’il revendra 5 à 10 fois plus cher en Ukraine, comme cette espèce de millepatte géant de 30 centimètres.


Et puis le temps et son rythme. Tout change. On ne pense plus, ou plutôt si, on pense, vraiment. Tout s’estompe. Je ne pense plus à aller chercher les chemises que j’ai données au repassage, ou à payer la taxe de l’agglomération bruxelloise. La pensée, petit à petit, colle à l’état. Je ne pense plus que je suis malade. Non, ma réalité est d’être nauséeux. Et j’agis. Loin de tout, la vie est là, celle qu’on a, la seule, celle qu’on est, surtout. Et je suis tout à la fois horrifié et heureux de voir ce microcosme de société à bord du navire, ses hiérarchies, ses classes sociales, son racisme diffus mais réel et cette domination, cette omniprésence de l’homme, cette absence de femmes. Et cette mer, ce liquide omniprésent, tout à la fois amniotique et gel de cette échographie qui scanne notre bateau comme le fœtus non avorté d’un monde en folie qui me fait peur quand je me mets à penser, un peu gêné, que si notre bateau devait couler, les ukrainiens sacrifieraient peut-être les philippins pour se sauver et que peut-être, seul Vadim, avec sa petite fille de quelques mois se sacrifierait pour un philippin. Mais je n’ose pas y croire.


Le temps aussi, de la traversée, sans contacts, huit jours. Cela me paraissait tellement long et c’est finalement tellement court. Curieuse coïncidence aussi que Jean-Pierre ait été horloger, à passer sa vie entière à réparer des montres ou des carillons pour qu’ils marquent l’heure juste, qu’ils sonnent au moment précis le quart d’heure, comme les quarts du navire. Au crépuscule de sa vie, à 80 ans, il a tellement de projets, comme s’il avait, lui, décidé d’oublier le temps. Et pourtant chez lui, dans sa maison, neuf horloges et quelques carillons lui rappellent en musique le temps qui passe, pour certains de quart en quart d’heure. Et il ne se réveille que si l’un de ses carillons est en panne et ne sonne pas.


Mon rythme à moi dans ce voyage, c’était plutôt la lune, avec ses quarts aussi, et sa demie jusqu’à arriver à la pleine lune, à l’Equateur, à l’arrivée. En mer la nature se simplifie. On est en permanence entre la mer et la lune, ou le soleil.



Oh Iémanja, deusa de todos os orixas, como te quero! Nunca tinha pensado na sua força protectora, na sua feminidade, mulher protectora dos marinheiros, mulher que da a luz na oscuridão. Obregado pela beleza da sua brancura que pinta os traços claros das nossas vidas na tela oscura do mar. (Oh Iémanja, déesse de tous les orixas, comme je t’aime ! Jamais je n’aurais pensé en ta force protectrice, en ta féminité, femme protectrice des marins, femme qui donne la vie et la lumière dans l’obscurité. Merci pour la beauté de ta blancheur qui peint les traits clairs de nos vies sur la toile obscure de la mer.).




11 de dezembro (segunda parte)


No dia seguinte, é preciso decidir a partir, deixar o navio.


Olho grandes pássaros brancos voarem rente às ondas. O que é mais livre do que voar? Mas os pássaros não atravessam os mares. Só quando vão atrás do rastro de um navio até ser tarde demais para dar meia-volta. Então ficam a bordo e se viram. Até a chegada, quando urubus os vê em e os devoram. Encontram-se então apenas algumas penas e ossinhos numa das pontes.

As despedidas são tocantes, com todos. Com alguns, é forte, muito forte. Como com o cozinheiro que parecia reservado e que, de repente, não pára mais de falar, de me dizer que ele sabe cozinhar bem melhor do que aquilo, mas que o comandante não é legal, que ele só quer comida ucraniana, aquela que o mandou fazer, que está nos livros de receitas que lhe deu, bortsch à base de beterrabas, repolho recheado, arenque defumado e coisa e tal. E me fala do seu país, da sua ilha, das praias de areia fina que tenho que conhecer, e me convida, perto de Manila, apenas a 5 horas de ferry-boat, quando ele estiver aposentado, daqui a dois anos, e então ele cozinhará para mim, todos os dias, suas melhores receitas, com lágrimas nos olhos.


Noé, com seu nome predestinado, sempre com um sorriso, me diz ter ficado muito tocado com o bilhete que escrevi para todos e deixei pendurado nos dois refeitórios.

E tem também os dois da «bridge», Leni e Vadim. A gente não fala mais nada porque não há mais nada que dizer, então nos olhamos, estupidamente, sem dizer nada. Leni à beira das lágrimas, Vadim e seu sorriso, que se molha. E eu que tenho dificuldade em descer a passarela, porque ela se mexe, sobretudo porque ela se mexe, sem me virar para trás.


Eu não conhecia o mar, e ainda menos as pessoas do mar. Não digo que hoje os conheço, não, nunca. Conheço, um pouquinho, por tê-lo vivido com eles, seu trabalho, antes de mais nada, seu trabalho. E é como todos os outros trabalhos, aspectos legais e outros verdadeiramente chatos. São grandes viajantes. Podem dar várias voltas ao mundo sem pôr os pés na terra, como o cozinheiro, 9 meses, e todos os dias quatro cardápios, dois para os europeus e dois para os filipinos, ao meio-dia e à noite.


Posso imaginar que estar de serviço entre a meia-noite e as quatro da manhã, em pleno Atlântico, sem nenhum navio no sistema de identificação para ficar de olho, deve dar um sono danado e que é a pressão do «dead man» que mantém os olhos abertos.


Pensava que eles descessem à terra com mais frequência, mas, fora as duas horas em Philipsburg de Yuri e Vadim, só o comandante desceu, uma vez, em Caiena. Ele delegou todas as suas tarefas para ter tempo, algumas poucas horas, para ir num cabeleireiro, um cabeleireiro francês! E também comprar alguns insetos para revender 5 a 10 vezes mais caro na Ucrânia, como essa espécie de centopéia gigante de 30 centímetros.


E o tempo e seu ritmo. Tudo muda. Não se pensa mais, ou sim, pensa-se de verdade. Tudo se apaga. Não penso mais em ir buscar as camisas que levei para passar, ou em pagar os impostos de Bruxelas. O pensamento, aos poucos, se ajusta ao estado. Não penso mais que estou doente. Não, minha realidade é a de estar enjoado. E eu ajo. Longe de tudo, a vida está ali, a que temos, a única, a que somos, sobretudo. E fico ao mesmo tempo aterrorizado e feliz de ver esse microcosmo de sociedade a bordo do navio, suas hierarquias, suas classes sociais, seu racismo difuso mas real, e essa dominação, essa onipresença do homem, essa ausência de mulheres. E esse mar, esse líquido onipresente, ao mesmo tempo amniótico e gel dessa ecografia que escaneia nosso barco como o feto não abortado de um mundo enlouquecido que me dá medo quando começo a pensar, um pouco incomodado, que se nosso barco naufragasse, os ucranianos sacrificariam talvez os filipinos para se salvarem e que talvez só Vadim, com sua filhinha de alguns meses, se sacrificaria por um filipino. Mas não quero pensar nisso.


O tempo também, da travessia, sem contatos, oito dias. Me parecia tão longo e finalmente é tão curto. Curiosa coincidência, também, que Jean-Pierre tenha sido relojoeiro, tenha passado sua vida inteira consertando relógios ou carrilhões para que eles marquem a hora exata, batam no momento preciso cada quarto de hora, como os quartos de serviço do navio. No crepúsculo de sua vida, aos 80 anos, ele tem tantos projetos, como se, ele, tivesse decidido esquecer o tempo. E no entanto, em sua casa, nove relógios e alguns carrilhões lembram-lhe, em música, o tempo que passa, para alguns de quarto em quarto de hora. E ele só acorda se um desses carrilhões estraga e não toca.


Para mim, o meu ritmo nessa viagem, era mais a lua, com seus quartos também, e sua meia até chegar à lua cheia, no Equador, na chegada. No mar, a natureza se simplifica. Estamos o tempo todo entre o mar e a lua, ou o sol.



Oh Iémanjá, deusa de todos os orixás, como te quero! Nunca tinha pensado na tua força protetora, na tua feminilidade, mulher protetora dos marinheiros, mulher que dá à luz na escuridão. Obrigado pela beleza da tua brancura que pinta os traços claros das nossas vidas na tela escura do mar.

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