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5 Décembre


Après l’Atlantique, la mer des caraïbes a l’air d’un grand lac, à peine 24 heures pour arriver à destination. Port of Spain se trouve dans le Golfe de Paria, c’est la capitale de l’Etat de Trinidad et Tobago. Pour entrer dans le golfe, il faut passer par la « bouche du dragon », un passage de quelques kilomètres qui sépare l’île de Trinidad du Venezuela. Nous y arrivons à la nuit tombante. Sur le pont, la tension est déjà là. C’est Léni qui est de quart. Pour la première fois il a mis sa chemise blanche d’officier. Il calcule, vérifie le cap, scrute l’horizon avec ses jumelles. La nuit tombe vite. Côté Trinidad, les collines s’allument comme des guirlandes de Noël. Côté vénézuélien, c’est le noir absolu. Le commandant est inquiet. Il arpente sans arrêt le pont, une main en poche, l’autre tient une cigarette, allumée, toujours. C’est que la zone est dangereuse. Une de celles de tous les trafics, drogue surtout, qui vient de Colombie en passant par le Venezuela, Trinidad et destination l’Europe. Et quand tout est noir côté vénézuélien, c’est qu’une opération de passage est en cours, souvent de petites embarcations non identifiées, sans éclairage. Un philippin est venu en renfort sur le pont. Ils sont maintenant 3 à scruter la mer d’encre faiblement éclairée par la lumière de la lune, diffuse derrière une légère couche de nuages. Le radar de bord renvoie un écho, faible mais proche. On a réduit la vitesse à 12 nœuds. L’embarcation est repérée, assez loin, sans danger. Après être passé au large de forages pétroliers, on va droit vers le centre du golfe de Paria. Dans 2 miles on tournera sur la gauche à 90°, droit sur Port of Spain. On navigue entre les bateaux en rade, porte containers, gaziers, et quelques rafiots difficiles à définir. Les lumières de la ville s’étalent devant nous. A l’arrêt à notre point de rendez-vous, nous attendons le pilote qui nous conduira à bon port. Sans prévision, je vais dormir, certain d’être réveillé quand on se remettra en mouvement.


Les bruits métalliques d’une grue frappent à mon hublot. Il est 6 heures, nous sommes à quai. Je n’ai rien vu, rien senti. Le bleu du ciel tranche sur le brun sale des containers rangés par milliers sur le quai et sur le noir de l’asphalte, lacéré de longues traînées d’eau aux reflets mauves, jaunes et bleus de gasoil.


Les grues sont déjà au travail, on restera au moins la journée à Port of Spain. En quelques heures, j’ai fait le tour du centre, vu les quelques bâtiments historiques qui survivent, églises, parlement, un parc, autant d’hommages éternels aux anglais et cette étonnante petite maison ridiculement minuscule, témoignage du passage des espagnols, 2 fenêtres, une porte sur une façade ocre. Sic transit Gloria Mundi !


La ville se réveille doucement. Des bancs publics ou des entrées d’immeubles émerge une foule d’endormis que quelques vêtements recouvrent et beaucoup de crasse protège. D’autres, la bouche ouverte dans leur vomi, font la grasse matinée. C’est vrai, on est dimanche. J’avais presque perdu la notion du temps.


Depuis près de quatre mois, un couvre-feu a été décrété entre 23 heures et 6 heures du matin pour lutter contre la criminalité, assassinats, tueries et trafics divers. Je croyais les couvre-feux réservés aux généraux pour pouvoir mieux poser leurs bottes et tuer en toute discrétion mais ici, c’est pour mater la racaille sans foi ni loi, celle d’en bas. La racaille d’en haut, en costume trois pièces, s’est donné trois mois pour mater la racaille d’en bas. Je ne connaîtrai donc pas ici de folles nuits d’ivresse.


L’après-midi, je me faufile entre les rangées de containers pour sortir à nouveau en ville. La navette, obligatoire pour se déplacer dans l’enceinte du port est aléatoire, au gré du rythme des somnolences de son chauffeur. J’ai à peine fait quelques centaines de mètres qu’une pluie tropicale s’abat sans prévenir, comme si le ciel se vidait d’un seul coup, éventré par un coup de couteau de boucher. Le liquide qui en sort est chaud comme le sang et vite refroidi. Je cours me mettre à l’abri, sans réfléchir. Je ne peux pas me noyer. Je saute sous le premier hangar venu, en demandant vaguement si je peux rester là deux minutes en attendant que ça passe. Sans le savoir, je suis entré dans la cantine des dockers. Le bruit de la pluie sur le toit en tôle ondulée est assourdissant. Une télévision retransmet un débat sur les répercussions de la crise économique mondiale sur l’économie de l’île. Un seul spectateur, un malabar en marcel blanc cassé sur sa peau noire, la boule à zéro, un short jusqu’aux genoux, des vieilles Nike ouvertes aux pieds, il écoute attentivement le débat au travers du bruit assourdissant d’un ventilateur au diamètre démesuré, planté à deux mètres devant lui.


Derrière lui, couché sur le dos, les jambes écartées d’un côté et de l’autre d’un vieux banc, une casquette de laine décolorée sur la tête, un docker ronfle paisiblement.


Un peu plus loin, deux tables identiques entourées de bancs autour desquelles s’affairent deux groupes d’une dizaine de dockers, quelques uns rasés, la plupart avec de longues tresses rastas grisonnantes. Des visages burinés par le soleil et les embruns, à faire pâlir n’importe quel photographe portraitiste. Assis pour la plupart, ils jouaient au poker, Texas, m’a confié presque sous le sceau du secret avec un clin d’œil appuyé un des spectateurs dans un grand relent de bière chaude. Devant chacun des joueurs, des tas de billets, certains en vrac, de toutes les couleurs, d’autres bien rangés, empilés en dessous du téléphone portable dénotaient les tempéraments des joueurs. Tous fumaient sans arrêt, certain des cigarettes, d’autres de la marijuana dont l’odeur m’emplissait les narines comme un déodorant.


Ils jouaient lentement, sans ferveur, sans éclat, pour passer le temps, qui passait, comme la pluie. Et je n’avais pas envie qu’elle s’arrête. J’étais bien dans cet univers, blanc transparent. On ne me demandait rien, juste si je voulais un peu de marijuana. J’étais du port, dans le port. Je n’en avais vu aucun mais tous m’avaient vu, tous savaient que j’étais sur l’Aristote, le cargo qu’ils déchargeraient dans quelques instants, complètement pétés, pour que les containers ne soient plus ces grosses masses métalliques qui risquent de les écraser à tout moment mais de grandes poupées russes aux formes et couleurs généreuses qui s’ouvrent les unes après les autres pour en faire sortir, les uns après les autres, leurs rêves éveillés aux milles couleurs.



5 de Dezembro


Depois do Atlântico, o mar do caribe parece uma grande lagoa, nem 24 horas para chegar ao destino. Porto de Espanha fica no Golfo de Pária, é a capital do Estado de Trinidad e Tobago. Para entrar no golfo, é preciso passar pela « boca do dragão », uma passagem de alguns quilômetros que separa a ilha de Trinidad da Venezuela. Chegamos ao anoitecer. Na ponte, a tensão já existe. É Leni quem está de serviço. Pela primeira vez, pôs sua camisa branca de oficial. Ele calcula, verifica o rumo, perscruta o horizonte com seus binóculos. O sol desce rapidamente. Do lado Trinidad, as colinas se iluminam como guirlandas de natal. Do lado Venezuela, escuridão absoluta. O comandante está preocupado. Percorre para a ponte a passos largos, uma mão no bolso, a outra segura um cigarro, aceso, sempre. É que a zona é perigosa. Uma de todos os tráficos, sobretudo de drogas, que vêm da Colômbia, passando pela Venezuela e por Trinidad com destino à Europa. E quando tudo está escuro do lado venezuelano, é porque uma operação de passagem está em curso, muitas vezes pequenas embarcações não identificadas, sem iluminação. Um filipino veio dar reforço na ponte. Agora são 3 a escrutar o mar de tinta fracamente iluminado pela luz da lua difusa por trás de uma leve camada de nuvens. O radar de bordo devolve um eco, fraco, mas próximo. A velocidade é reduzida a 12 nós. A embarcação é localizada, bem longe, sem perigo. Depois de contornar alguns poços de petróleo, vamos direto ao centro do golfo de Pária. Mais duas milhas e viramos à esquerda a 90º, direto para Porto de Espanha. Navegamos entre os navios ancorados, porta-contentores, gaseiros, e algumas banheiras velhas difíceis de definir. As luzes da cidade se estendem à nossa frente. Parado em nosso ponto de encontro, esperamos o piloto que nos conduzirá a bom porto. Sem previsão, vou dormir, convencido de ser acordado quando o barco voltar a andar.


Os barulhos metálicos de um guindaste batem na minha janela. São seis horas, estamos atracados. Não vi nada, não senti nada. O azul do céu se destaca em relação ao marrom sujo dos contentores enfileirados aos milhares no cais e em relação ao escuro do asfalto, lacerado por longas raias de água com reflexos violeta, amarelo e azul de gasóleo.


Os guindastes já estão trabalhando, ficaremos pelo menos o dia todo em Porto de Espanha. Em poucas horas, dei a volta completa do centro, vi as poucas construções históricas que sobrevivem, igrejas, parlamento, um parque, tantas eternas homenagens aos ingleses e essa estranha casinha ridiculamente minúscula, testemunho da passagem dos espanhóis, 2 janelas, uma porta numa fachada ocre. Sic transit Gloria Mundi!


A cidade desperta devagar. Dos bancos das praças ou das entradas dos prédios emerge uma multidão de adormecidos, que poucas roupas recobrem e muita sujeira protege. Outros, boca aberta nos seus vômitos, se levantam tarde. É verdade, é domingo. Tinha quase perdido a noção do tempo.


Há cerca de quatro meses, um toque de recolher foi decretado das onze da noite às seis da manhã para lutar contra a criminalidade, assassinatos, matanças e tráficos diversos. Pensava que os toques de recolher eram reservados aos generais, para melhor poder colocar as botas e matar com discrição, mas aqui, é para subjugar a escória de baixo, sem moral nem religião. A escória de cima, de terno e gravata, se deu três meses para domar a escória de baixo. Realmente, não é aqui que vou viver loucas noites de bebedeira.


À tarde, me insinuo entre as fileiras de contêineres para mais uma vez ir à cidade. O vaivém, obrigatório para se deslocar dentro do porto, é aleatório, ao gosto do ritmo das sonolências de seu motorista. Apenas ando algumas centenas de metros que uma chuva tropical cai sem avisar, como se o céu se esvaziasse de uma vez só, estripado por uma facada de açougueiro. O líquido que sai daí é quente como o sangue e logo resfriado. Corro para me abrigar, sem pensar. Não posso me afogar. Salto debaixo do primeiro hangar que aparece, perguntando vagamente se posso ficar ali por dois minutos esperando que passe. Sem saber, entrei na cantina dos estivadores. O barulho da chuva no telhado de chapa ondulada é ensurdecedor. Uma televisão transmite um debate sobre as repercussões da crise econômica mundial sobre a economia da ilha. Um único espectador, um malabar de camiseta branca sobre a pele negra, cabeça raspada, uma bermuda até os joelhos, velhos Nikes abertos nos pés, ele escuta atentamente o debate através do barulho altíssimo de um ventilador gigante plantado a dois metros na sua frente.


Atrás dele, deitado de costas, as pernas afastadas de um lado e do outro de um velho banco, um boné de lã desbotado na cabeça, um estivador ronca sossegadamente.


Um pouco mais à frente, duas mesas idênticas cercadas de bancos em volta das quais dois grupos de uma dezena de estivadores se atarefam, alguns de cabelo raspado, a maior parte com longos rastas grisalhos. Rostos burilados pelo sol e pela maresia que levariam qualquer retratista a roer-se de inveja. Quase todos sentados, jogavam pôquer, Texas, confiou-me quase em sigilo com uma piscadela acentuada um dos espectadores num forte bafo de cerveja quente. Diante de cada um dos jogadores, montes de notas, alguns à toa, de todas as cores, outros bem arrumadinhos, empilhados debaixo do celular, indicavam os temperamentos dos jogadores. Todos fumavam sem parar, alguns cigarros, outros maconha, cujo cheiro enchia minhas narinas como um desodorizante.


Eles jogavam lentamente, sem fervor, sem escândalo, para passar o tempo, que passava, como a chuva. E eu não queria que ela parasse. Estava bem nesse universo, branco transparente. Ninguém me perguntava nada, apenas se eu queria um pouco de maconha. Era do porto, dentro do porto. Eu não tinha visto nenhum deles, mas todos tinham me visto, todos sabiam que eu estava no Aristote, o cargueiro que descarregariam dentro de alguns momentos, completamente chapados, para que os contêineres não fossem mais essas grandes massas metálicas que ameaçam esmagá-los a qualquer instante, mas grandes bonecas russas de formas e cores generosas que se abrem umas após as outras para deixar sair, uns após os outros, seus sonhos acordados de mil cores.

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